1 – Plein le manche
Jamais imaginé la paume des mains donner tant de douleurs. Le manche tout à l’heure froid. Ça brûle. Plein le manche, tout rouillé mais plein de fer, des kilos de faire. Huit heures à faire. Racler sur une longueur cinq minutes. Douze longueurs de l’heure. Combien déjà ? Cinq, six fois. Peut-être. Seulement ! Font ça depuis vint ans, trente ans certains ici ? Pas penser à ça. Aux heures, aux longueurs. Penser à rien. Mais les mains en lambeaux. Des mains d’intellectuel ils ont dit sans méchanceté. Leur rire moqueur pour répondre à ma grimace. Le pire au début. Cérémonie d’adoubement. Dépucelage. Ampoules. Chairs à vif. Plaies. Douleur ! Douleur ! Douleur ! Et la main calleuse. Il est des nôtres (chantant) ! Deux longueurs. Que dix minutes. Pas y penser, tu as dit. Terrorisé. Les jours qui viennent. Impensable. Tirer sur la mélasse durcie. Gélatine écœurante. L’odeur d’œuf pourri. Impensable ça huit heures. Lâcher le manche sans un mot. Vas-y ! Droit au vestiaire. Le chef va gueuler dans ton dos. Tu ne te retournes pas. Sors une cigarette en marchant. En marchant tu l’allumes. Mais non ! Mais, non ! Rien à faire : tu tires sur le manche. Tu continues. Où est le courage ? Dans les muscles diraient-ils. Tant de muscles, tu ne savais pas. Jamais tu n’en as su autant. Demain matin terrible. Jamais être des leurs. Je ne veux pas de leur générosité. Que la misère à partager. Deux heures ici maintenant peut-être j’espère au moins. Et déjà, je sais tout. Tout ce que je voulais savoir. Rien à faire ici. Pas pour moi. Ce n’est pour personne. Personne n’a rien à faire ici, j’ai envie de crier. Tout dissoudre dans l’acide. Leur matière première. Et la soude. Pas ragoûtant. Ou se dissoudre à petit feu. Mais que ça pue ! Des haut-le-cœur, ce qu’il en reste. Tout dans le manche le cœur à l’ouvrage. Dégueule ! pas peur d’être petite nature. Bile sur acide. Ça se dégueulasse pas la pourriture. Racler le dégueulis avec tout le reste. Pareil que toute cette saloperie qu’on racle. Le dos d’Éric. Condamné comme moi à racler. Un rictus mauvais sûrement. Qu’on ne se regarde pas. Éviter le sarcasme. Et la fuite. Celle que je n’ose pas. Il faudrait. Un regard échangé et on serait loin. Étonnés ce matin de nous retrouver côte à côte dans la cahute du vigile. Avec quatre autres jeunes comme nous. Des bras à vendre pas bien dégourdis. Tous connus plus ou moins. Qui à l’école dans la même classe une année. Qui des coups de poings dans la cour. Aucun du lycée comme Éric et moi. Les autres, étonnés de nous voir là. Méprisants tout de suite envers nous. Leur revanche qu’ils tiennent l’instant d’après. Les premiers de la classe qui les écrasaient, il sont là. Intérimaires. Sûrement un contremaître. Pas de présentation. Parle à peine. Toujours en marchant. Vite, très vite, il marche. Cinq minutes pour nous changer. Il joue avec ses ongles contre les casiers métalliques. De plus en plus fort. Allez, allez, vite ! vite ! C’est tout ce qu’il dit. Sans nous voir. Tous en bleu bientôt. D’un atelier l’autre. Toujours plus sombre et plus puant. Vastes. Abandonnés, on dirait. Des mètres carrés morts. Des machines muettes. A droite. A gauche… Et je ne sais plus. Comme pour nous perdre, nous abandonner on dirait. Les enfants trop nombreux, trop de bouches à nourrir, on s’en débarrasse, on les offre au Capital. Il en fera ce qu’il voudra, pas grand-chose, des pue-la-sueur, des chômeurs. Pas de cailloux blancs, ils ont les poches trouées et les mains dedans à se gratter les cuisses pour éviter les bras ballants. Pas emballés par le turbin. Dévorés par la machine qui peut tourner sans eux. Toutes ces mécaniques sans cadence. Partout la pénombre. Des ampoules grillées. Qu’on ne remplace plus. Qu’on ne remplacera pas. On croise peu d’hommes. De moins en moins. Plus d’hommes. L’usine sombre. C’est un bateau à la dérive. Les femmes et les enfants d’abord. Plus que l’équipage à fond de cale. Personne sur le pont pour saluer le soleil. Espoir du bon port avant de couler. Sauver sur quoi on est embarqué. Ils n’abandonneront pas. C’est l’usine qui les vomira. Saleté partout. Poussière et suie centenaires. Un autre monde. En dehors. Rien d’ici, ni d’aujourd’hui. Pas un voyage mais une chute. Damnation ouvrière sous mes yeux, dans l’air qu’on ose quand même respirer. Bien forcé. Ça demande qu’à s’écrouler, qu’à s’effacer sous le linceul de suie, qu’à suivre en enfer le spectre de poussière qui s’agite dans le rai de lumière suintant par un carreau cassé. Ils la pleureront leur usine, sorcière rance et rampante, démunie de balais, les crapauds sans baiser de princesse. La classe ouvrière, papillon de nuit éphémère, qui s’agite nerveusement dans la lumière de la lampe qui le brûle, qui l’attirait. Tombe et retombe sans pouvoir se poser. Bientôt mort, il aura passé plus de temps à muer qu’à vivre, prisonnier de sa chrysalide dont il ne sort que pour s’écraser contre le jour artificiel des hommes. Des belles métaphores pour illustrer la défaite, le déni d’avenir, le rien où ils sont relégués. La littérature qui leur donnerait une dignité ? Allez ! elle les ignore. Rien d’artistique leur quotidien, pas de poésie chez le gagne-petit. Tous les jours à ramer, pas de temps pour les muses, rien d’une Odyssée. Les sirènes, c’est celles de l’usine qu’on n’entend plus. Je ne m’en sors pas pour dire la douleur. Je ne trouve pas la phrase définitive, la tranchante qui coupe la chique. Pourtant, je l’ai vu tout ça, tellement, à ne plus y croire. Avec le recul, loin, c’est pas croyable, enfin devrait pas l’être qu’on fasse ça à d’autres hommes. Mais, je me ramollis commence à larmoyer. C’est mon sort qui ne m’arrange pas. Là dans le trou avec toute la racaille. Je suis mal parti. Renâcle déjà avant d’avoir l’outil en main. On racle le cloaque. Une compétition s’engage. Trois des quatre autres se sont emparés de tout le courage. N’en ont pas laissé un souffle pour reprendre le nôtre, à Éric, à l’autre type, attardé mental, le quota handicapé, et le mien de souffle qui est à bout. Ils ont jeté la veste à terre pour voir les muscles se tendre. Leur chance enfin qu’ils attendaient, l’embauche peut-être au coup de sifflet final du chef. Nous, on est n’est pas partis encore. Un faux départ et toujours sur la ligne à attendre que le temps soit plus favorable. Les trois autres piochent leur volonté dans leur résignation. Ils n’attendent rien d’autre, un travail c’est déjà un privilège. Plus que le manche, c’est leur appétit pour la saloperie qu’on expulse qui me brûle les paumes. Leur vanité d’esclave. Après la pause plus que quatre. Toi ! Toi ! le chef, de l’index. Pas nous deux, Éric et moi. Pas nous. Des paons les deux élus. Nous toisent. Leurs petits culs qui plaisent au contremaître, Éric d’un souffle dans mon oreille. Je ris. On rit. On racle. Encore un de courageux pas loin de nos coudes. Menu, sec, tout en muscles. Il double la cadence, prend ses distances. Il veut pas de nous, il fuit notre souffle qui pue l’oisif. On exhale des relents de ratés, on a l’air contagieux dans son regard. On sait même pas tirer correctement sur le manche. Et l’autre, le gros, l’attardé qui mange sa langue, ça l’effraie. Des raisons de se donner la chair de poule. Le petit en muscles massacre des calories, met la machine en surchauffe, il fume, cadence à nous saccager si on suivait. On le laisse s’échapper comme un cheval effrayé. On est des ânes, nous, des ânes qu’on charge mais qui ne veulent pas avancer même sous le bâton. Le gros débile nous bat question débâcle. Pas une rame, l’air de s’épuiser. Il va y rester ici au fond, dans le trou, dans la cave où glougloutent toutes ces potions maléfiques, ces liqueurs empoisonnées qui nourrissent et écœurent la ville depuis… On en oublie notre jalousie pour la reconnaissance officielle qu’on lui octroie. Ça nous dirait pourtant bien nous d’avoir le cachet « incapables congénitaux », un handicap à reconnaître. Il a les papiers. Rien pour nous. On ne lui demandera jamais rien, si ce n’est de ne pas en sortir de son état. Nous pas de dispense. Pourtant notre âme. Ce qu’il en reste. Si on la montrait. S’ils pouvaient la voir les marteleurs de tampons agréés. On l’aurait le papier prioritaire, la place assise dans les trains bondés, la queue aux caisses qu’on dépasse. Mais apte ! dit le conseil. Alors, on racle. A midi, la peur. Le doute mine la pause. Qui sera trop longue. Plus de main. De la peau et du muscle meurtris. Se résoudre au courage. On n’a rien d’autre en échange. Le regard des parents à table. Pas de questions. Ils n’osent pas. Alors, me prends à parler de l’usine comme si, voilà, j’y suis. Quelque chose qu’ils ne savent pas déjà ? Je serais donc un des leurs. Ils rêvaient d’un destin, la réussite. Sans jamais l’avouer, dans leur silence, avocat qu’ils le voyaient leur fils. La parole haute et sûre pour dire la leur, sourde. Le gueulement dans le silence, ce cri qui les ronge, inintelligible, il lui donnerait du verbe. Il trouverait des coupables, nommerait les anonymes qui poussent les boutons de la broyeuse. Il verrait, le monde, ce que ça peut donner de la chair d’ouvrier. Sa réussite au fils, comme un acte d’accusation contre leur réclusion, l’assignation à la survie à laquelle ils se sont résignés. Mais, l’espérance s’est enfuie, envolée. Pas bien lourd le destin, la dorure, du plaqué, du toc. Pas un drame, la musette comme les autres. Rien que du normal. Partir de rien, sans rien, arriver à rien. Le bilan, c’est zéro. D’ouvrier à ouvrier. Qui en ferait des ouvriers, sinon les ouvriers ? Ils me voient entier. Des bras tout neufs, si j’ai pas de tête, j’ai des bras qui ne servaient à rien. Faudra toujours des bras. Le petit heurt n’a pas fait saillie. Difficile tout de même à comprendre quand tout semble facile. Parti premier, en avance, derrière tous à souffler sous le poids de leur insuffisance. Et voilà le favori affalé devant le premier obstacle, dans la terre où tant d’autres ont pris appui. La boue. Ce soir-là, l’aveu, ils auraient voulu une explication. Je n’en avais pas pour moi. Ou rien que des mensonges, plein de mensonges, un mensonge qui chassait un autre mensonge. Encore plus loin d’eux. « J’arrête la Fac’.» tout ce que j’avais à dire qui leur soit, me soit compréhensible. « J’arrête la Fac’.» répété des centaines de fois pour s’en convaincre, pour avoir la force, cette folie de les décevoir. N’ont rien vu venir de leur fils se vidant de sa volonté jour après jour. Et débarque un fou. Un fou qui scande, qui martèle une seule phrase. Sans justification, faut être fou ! Quelques mots de ma mère, l’argent dépensé pour rien. Le seul argument toujours, le porte-monnaie. Sa vie à ne voir que le prix des choses, la surface des choses, la somme affichée dure, froide, rugueuse impénétrable, imperméable au rêve. Combien ça coûte ? pour éviter le à quoi ça sert ? Le combien ça coûte tout de suite pour expulser le désir. Mon père sans arme ramasse ses larmes dans le silence. Pas un mot à marteler, la déception inattendue l’atterre. Plus loin encore qu’en dessous de tout. Je l’attendais, il s’enfuit. Envie de le gifler, de le jeter à terre, ce qu’il devrait faire de moi. Que sorte de lui qui le sorte de lui-même ! Néant. Seul face à moi-même pour trouver à qui m’affronter. Mon père, toutes ses forces pour repousser ses larmes. Il a déjà oublié ce qui le blesse, ma décision déjà admise. Seule son impudeur le préoccupe, comment repousser ce qui s’exprime malgré lui, l’intime qui ne veut pas se taire, qu’il croyait tenir éloigné en le figeant dans le mutisme. Ce fond de lui-même vers lequel il ne se tourne jamais, dont il n’admet même pas l’existence quand il fait surface, c’est monstrueux. Il ne se reconnaît pas le père, car il ne le connaît pas ce lui-même-là. Celui-là qui violente sa volonté, comme un ennemi qu’il nourrit malgré lui et qui se fait maître. Il veut l’écraser, tout concentré à ça, reprendre en main soi-même. Juste le temps de sentir le sommeil m’appeler et il faut y retourner. Sur le vélo le vent frais me réveille. Je trouve même du courage, une force neuve – le plus dur est déjà fait – que je nomme volonté. Je siffle. Ça y est, je suis un ouvrier ? Je me sens utile à charrier l’ordure dans le caniveau. J’arrive en avance. Personne au vestiaire. Le bleu mis, en avant, serre les dents, ne respire pas trop fort, tout se soulève, l’odeur d’œuf pourri, celle que l’on sent sur toute la ville quand le vent vient de l’ouest, je suis au cœur. La puanteur me tient lieu de panneau indicateur. Je croyais me souvenir des nuances. Je me suis perdu dans le vide des ateliers. Des centaines qui s’activaient dans ces lieux ne demeurent que les pas imprimés dans le ciment des dallages successifs, l’acier nu, lisse et brillant sur la poignée des portes recouvertes d’antirouille mais rouillées de partout. On ne les entretient plus. Elles grincent et ne ferment plus qu’à moitié. On a appris à leur mettre des coups de pieds. Je tourne sans me retrouver. Dehors tout à coup surpris par la lumière du jour. Derrière l’usine, après la clôture s’étendent des champs cultivés qui s’écrasent contre les bois. Du blé ? Je ne sais reconnaître des labours. Je ne sais reconnaître une plante. Je ne sais nommer une fleur. Rien nommer de ce qui vit de la terre. A peine identifier quelques arbres. Dans la nature, je ne vois qu’inconnu. Rien appris de ce qui m’entoure. Ni de la terre, ni de la forge. De nulle part. Nulle part comme point de départ. Lâcher ici bas en plein désert. Le naufrage de l’Espoir le Grand comme seule planche de salut. Faire semblant d’y croire encore, buté. Mais y a-t-il un « vers où aller » pour les natifs d’on ne sait où. S’avancer en col blanc demain, on prendrait ça pour une victoire ! Je désespère quelques secondes, m’effondre sur l’impasse de mon avenir. Mon avance a dû fondre. La faute des livres tout ça. Je ne vois pas à trois pas mais je prévois la marche du monde. La myopie c’est la rançon de la clairvoyance, du regard lucide sur le monde. La myopie, c’est les livres, comme dirait grand-mère. On nous l’a fait pas qu’on croit avec Eric. Rencardés. Au parfum, même quand ça pue tout autour. On s’est brûlé. Vu plus grand que nous. Trop d’imagination, des ambitions alexandrines. Poètes et conquérants. Ensemble. Assommant, les deux ensemble. Ils s’assomment l’un l’autre. Alors, Éric le conquérant, moi le poète. Tous les deux sur une jambe. On boitille dans la vie à cause de ce qui devait nous donner des ailes. Dire qu’on ne mérite pas d’être là ? Parce qu’il y en a qui ont mérité ça, peut-être ! Je tourne, bifurque. Je suis perdu. Des couloirs et des sas. Des ateliers immenses qui ne sont que suintements et bavures. J’en rajouterais si je voulais décrire mais c’est juste de l’impression. Rouille, crasse, suie, silence. Plus je vais, avance, plus je ne sais où. Je sors. Mais, on ne sort pas. On ne s’en sort pas. Ceux de mon espèce. Mais laquelle ? Des questions métaphysiques. J’en suis perclus. Prurit, eczéma, psoriasis. Des conneries existentielles. Comme dirait ma mère. Des conneries, tout court, elle dirait. Je me brûle la lippe en rallumant ma clope. Il faut rentrer. Retrouver son chemin. Encore le premier. Envie de dégueuler. Faut voir : un vrai égout de merdes chimiques. Comme une gélatine multicolore. Dans une cave. Plus rien ne coule. On est là pour déboucher. Et on ne débouchera pas. C’est sans fonds. Juste pour vérifier qu’on a le cœur à la tache. Pas des fainéants. Ils ont comme vendu leur âme, les prolos qui nous surveillent. Pervertis par le vice privé qui fait la vertu publique. Le Capital. Je vois le vice mais je cherche la vertu. Tous là pour en chier, pour en crever. Avec eux, tous en chœur. Il fallait être moins con. Ah ! Je le ravalerai bien : « J’arrête la Fac’ ». « J’vais voir si c’est ainsi ». « T’es rien c…, Ferdinand !» que je les entends tous me dire. Oh ! C’est pas quatorze-dix-huit là-dedans quand même. Et, je ne m’appelle pas Ferdinand ! Et je ne suis pas Céline. Mais, je le mangerais bien à la petite cuillère mon J’arrête la fac’, et même mélangé à un étron bien frais. Je ne ferai pas la fine bouche. On ne revient pas en arrière. Les petits cailloux blancs qu’on a semés, on va s’y casser les dents. Tu vas le mâcher menu ton retour au pays natal. A croire qu’on a ça dans le sang, l’envie d’usine. Faut croire qu’ils y mettent les plus crevards, les plus vachards dans la cave comme ouvriers. Ou alors, c’est moi, avec lunettes et mains de filles, je leur donne des envies à la Polpot. Le bizutage, c’est bon, j’ai compris, les connards. Mon père me racontait. Des seaux de vapeur ou une lime à rapiécer qu’on lui demandait. Pas bien méchant. Des gamineries sur un gamin de quatorze ans. L’âge qu’on l’y avait mis au chagrin. Je n’arrive pas à la ravaler ma fierté. Ils le sentent. Je pue la bête traquée. Ils m’ont débusqué. Mais, aucune envie de jouer avec eux. Verront bien qui est le chat. Qui est la souris. Moi, j’ai de quoi me faufiler, eux sont faits comme des rats. S’ils savaient ce qui m’inspire mon sourire… Eric n’est pas là ! Le lâche ! ‘L’a peur de se salir ! Un ami, ça ! Mauviette ! Pas pour rien ces rumeurs sur lui ! Tapette ! Je pleure sur moi. Je m’allie à la lie ! Hallali ! Seul ! Je suis seul ! J’ai mal ! Mal. Mes pognes, des menottes ! J’en rage ! Serre les dents ! Des quenottes ! Je te l’empoigne le manche. Je vais témoigner pour nous deux, malgré toi ! Tu vas voir ! Je trouve une cadence. Comme un rythme qui s’installe. Ça danse. Je compte mes pas. Je chante. L’autre, le remplaçant d’Eric, un nouveau, me suit. Un pas de deux. Une chorégraphie. On devient rameur de trière, à l’étage le plus bas. On l’est déjà. Ça nous pisse et nous chie dessus là-haut. On devient nègre dans les champs de coton. Comment ça naît, le blues, on le comprend. On trouve des rimes. Du grivois. Du grossier. Du dégueulasse. Du fond de cale. On tire sur le manche. On tape dans la motte. Vit, foutre et vulve sont invités. La vulgarité, la grossièreté, je m’en flagelle. Je me mets à hauteur du lieu et du moment. Plus bas que terre. Et c’est que de la gueule pour moi, de la rhétorique : pas baisé une seule fois. Vierge d’un peu de tout, à part de la défaite. Je ne vais pas m’en vanter ! Surtout qu’on est transe, transi, transformé. Une métamorphose. On est devenu d’affreux travailleurs. Grâce au fantasme, aux femmes, à nos mots infâmes. On souille tout, on se complaît dans nos vices.
Géant …
Merci Philippe 👍
J ai même pas le temps aujourd’hui ( ce n est que partie remise ) de peaufiner et détailler ma lecture , tu produis plus vite que je ne peux lire …😁