Dans mes rêves les plus fous 9
Fossoyeur de l’emploi (première partie)
Fossoyeurs de l’emploi ! Oui !, riait Gérard. Il s’est vite carapaté dans la Mairie, le putois. Je n’ai même pas eu le temps de répliquer. Les cons, ça ose tout c’est même à ça qu’on les reconnaît. Mais, ça ose seulement de loin, quand il sont hors de portée de la torgnole. »
Gérard, mon chef de cellule du Parti communiste, – mais c’était en l’occurrence le syndicaliste qui racontait – ironisait sur l’invective que M. Wallendorff leur avait lancé alors qu’ils tractaient avec mon père pour dénoncer la fermeture soudaine de l’usine TESA. Mon père, lui que j’avais entendu annoncer à ma mère et à voix basse, une voix défaite, que l’usine allait être liquidée et délocalisée en Colombie me sembla encore bien plus dépité – il me fit l’effet d’un boxer qui se relève difficilement du knock-out qu’il vient de subir – quand il relata cette seule et simple invective : fossoyeurs de l’emploi !. Lors de ces deux révélations, je me trouvai dans ma chambre. Et même si les murs de l’appartement sont de véritables passoires phoniques – je m’en rends compte à nouveau aujourd’hui : un voisin qui parle un peu fort n’a plus de vie privée –, et même si la voix grave de mon père portait bien malgré lui qui souvent marmonnait, mes oreilles, comme celles de l’animal aux aguets qui soudainement les redresse et s’arrête de brouter, prêt à s’enfuir, avaient été mises en alerte dès que j’avais entendu mes parents s’installer dans la salle à manger.1 Quelque chose d’inhabituel s’était mis à planer dans l’air dès que mon père, pourtant très délicat, avait refermé la porte de l’entrée, quelque chose qui me hérissait le poil et qui dégageait une odeur désagréable, ce n’était pas cette odeur mélange de nuit, de fatigue et de produits chimiques dangereux et nocifs que mon père manipulait pour alimenter le malaxeur de l’atelier où se fabriquait la colle servant à la fabrication d’étiquettes, d’autocollants, de rubans adhésifs de la marque TESA ; c’était plus qu’une odeur, plus qu’un frisson, c’était un mélange de sensations provoquées par une situation où la raison était mise en suspens, c’était un réflexe de survie, c’était la peur. Cette peur que vous ne devez pas laisser vous pétrifier sur place si vous voulez survivre, non, vous devez fuir ou l’affronter. Et mon père l’avait affronté et avait été pétrifié par ce fossoyeur de l’emploi. Il n’était pas équipé comme Persée qui s’en va affronter Méduse. La dictature du prolétariat était un bouclier recouvert de vert-de-gris qu’on n’arrivait plus à faire briller comme un miroir et qui aurait permis à mon père de s’approcher de Wallendorff et de lui trancher la langue, sinon la tête, si l’épée de la lutte des classes, une épée qu’on ne pouvait pas soulever seul, n’avait pas été si émoussée. Les confidences de mon père étaient rares et dans ces rares messes basses, mon père ne pouvait dissimuler son émotion. Avec stupeur et tremblement : voilà ce qui me vient à l’esprit quand je repense à cette scène aujourd’hui. Oui, c’est exactement ce qu’il y avait dans la voix de mon père : « Fossoyeurs de l’emploi… Non, mais tu te rends compte… Le culot ! (…) Nous dire ça à nous. ». Stupeur et tremblement quand quelques semaines plus tôt, il avait dit simplement à ma mère « L’usine va fermer ». Stupeur et tremblement dans le « Qu’est-ce qu’on va devenir ? » de ma mère. Avec stupeur et tremblement, c’est ainsi que les sujets japonais respectueux devaient s’adresser à leur Empereur jusqu’en 1947. Mais à quel empereur s’adressait mon père ? La peur, le doute. La vie. Sa vie qui reposait sur quelques convictions dont celle de la nécessité de se battre pour son emploi et celui de ses camarades, de tous les ouvriers, lutte qu’il avait mené toute sa vie. Et voilà qu’on lui disait qu’il avait creusé lui-même sa tombe ! Il n’avait ni la confiance en lui et ni, a fortiori, la force de caractère de Gérard. C’était un homme effacé qui me parla de sa peur, de ses doutes, de sa vie lors de l’unique discussion personnelle – nous ne parlions jamais de nous, ni de la famille mais seulement de politique – que j’eus avec lui quelques années plus tard. Il avait cinquante ans et il m’avoua qu’il avait encore peur de sa mère. Et c’est moi qui fus alors saisi de stupeur et de tremblement quand je lui répondis : « A ton âge, il serait temps que tu règles ça ». Ma peur, mes doutes. Ma vie. J’avais les mêmes que mon père mais je ne le savais pas encore. Mon empereur. Je ne pouvais pas accepter ça de celui chez qui j’espérais trouver, à vingt-huit ans, force et confiance en moi. Et, alors que je cherchais la signification exacte de « stupeur et tremblement », je tombai inévitablement sur le livre d’Amélie Nothomb dont Alain Corneau, le réalisateur de l’admirable Tous les matins du monde ( adaptation d’un roman de Pascal Quignard) avait fait un film. Je lis cette citation tirée du livre : « Toute existence connaît son jour de traumatisme primal, qui divise cette vie en un avant et un après et dont le souvenir même furtif suffit à figer dans une terreur irrationnelle, animale et inguérissable. ». Pourquoi un seul jour ?, me demandai-je. Parce que j’ai l’impression d’en avoir connu plus d’un de « jour de traumatisme primal », oui, plusieurs jours premiers car « l’acte est vierge même répété » (René Char). Je suis un pain coupé alors qu’il est encore chaud et que l’amidon semble avoir reconstitué mais dont on peut difficilement détacher une tranche sans la briser, sans en laisser un morceau sur la suivante. Je suis mal couturé de partout, la terreur suinte de mes innombrables plaies que j’ai crues longtemps inguérissables. Mon père avait déclenché chez moi le retour du refoulé, il m’avait mis sans le vouloir sur le chemin épineux du traumatisme primal qui était le mien : la peur de ma mère. Ce jour qui est le même que le sien mais dont moi je n’avais même pas encore le moindre souvenir même rien que le plus « furtif ».
« A ton âge, il serait temps que tu règles ça », et sa réponse immédiate cingla : « T’es qu’un con ! ». Nos peurs parlaient. Comment aurais-je pu comprendre quelle énergie il déployait pour oser cet aveu qu’il n’avait jamais fait à personne alors que je n’y voyais qu’indécence et même obscénité ? Est obscène ce qui apparaît qui devrait rester hors de la scène. « Au vrai, diverses étymologies se succèdent pour le mot obscène, plus ou moins équivoques, le latin obscenus serait par exemple « un mot de la langue des augures désignant le mauvais signe, le présage fâcheux ». Le mot posséderait d’ailleurs deux orthographes : obscenus et obscaenus. Si dans cette seconde origine, il est associé à scaevus (« maladroit », « sinistre »), dans la première, il l’est à caenum (« fange », «fumier »). Il suggère alors « quelque chose de gluant et de dégoûtant ». 2
Mon père avait eu besoin de trouver le prétexte d’un apéritif et descendre quelques verres pour se donner du courage. Il osait confier ses peurs. Je n’en voulais pas de cet aveu poisseux. Je le rejetais très loin de moi comme on le fait en accrochant de l’ail partout dans sa maison pour empêcher Dracula d’y pénétrer. Hé quoi ! Me prenait-il pour un prêtre exorciste ? Qu’il le garde avec lui son démon ! Je ne le savais pas mais j’avais déjà assez à faire avec le mien. « Avec stupeur et tremblement », c’est avec stupeur et tremblement que nous terminâmes notre courte scène. Je l’évoque sans regret, ni remord mais avec accablement. Il était possible de vivre pendant plusieurs décennies à côté de quelqu’un, à côté de son père, à côté de son fils et de le manquer. Entre mon père et moi s’était érigée une double barrière. Il n’était pas viril de confier ses peurs, la confidence, le recours à la psychologie étaient des prérogatives purement féminines, et aller vers notre part féminine était s’approcher trop près du feu et se faire taper sur les doigts. Le recours au féminin était la seule chose qui pouvait nous sauver après nous avoir condamné. Le Féminin : notre Bourreau et notre Sauveur. C’est difficilement concevable. Et c’est dans cet apparent irréconciliable que j’ai décidé de m’engouffrer. J’ai quelques pistes que j’ai déjà suivies. Mais, pour l’heure, laissons la psychologie pour revenir à une pratique plus virile, en l’occurrence, la politique.
Ses mots lents, accablés, lâchés par mon père il y a trente-cinq ans, je les entends encore aujourd’hui. J’entends le désespoir de mon père. La fermeture de l’usine où il travaillait depuis plus de vingt-cinq, où il avait embauché à 14 ans et demi comme lui-même tenait à le préciser, l’avait assommé mais l’accusation de M. Wallendorff était le coup de grâce. Il était sali par la calomnie dont le poison avait fait son effet. Il m’en fait encore à moi aujourd’hui. Mais, comme un pharmakon, le poison qui est à la fois le remède.
Un remède parce que M. Wallendorff, je l’ai vu à nouveau à l’œuvre, dans les rues de Saint-Germain-en-Laye alors que je manifestais avec d’autres contre le passe dit sanitaire à la fin de l’année 2021. Un remède contre mes doutes, ceux-ci qui pouvaient me laisser croire que mon père était effectivement un fossoyeur de l’emploi. Ce doute que m’avait instillé la lecture du Reader’s digest. Ma mère s’était abonnée à cette revue de propagande américaine en renvoyant un coupon qui se trouvait dans Télé 7 jours. Je ne perdrai pas mon temps à tenter de comprendre ce qui avait pu motiver son achat… Et ce magazine anticommuniste côtoyait L’Humanité dans le porte-revues de la cuisine. Mes parents ne prenaient même plus la peine de débarrasser l’un de son film plastique transparent et l’autre de sa bande-adresse. Et s’ils pouvaient deviner ce qui se trouvait sous la bande-adresse, c’est moi seul qui arrachais le film plastique transparent. Je tombai un jour sur un article du Reader’s digest qui comportait le titre suivant Quand un syndicat fait fermer une usine. Tout d’abord offusqué de lire une si odieuse ineptie, je voulus faire savoir à mes parents quel ennemi ils invitaient dans leur logis. Mais, je me ravisai car ce perfide article que je lisais avait instillé le doute en moi quant à l’identité du fossoyeur de l’emploi. Et en avertir mon père ne reviendrait-il pas en fait à donner de la légitimité à cet article ? Je conçus cette chose fut possible qu’un syndicat pût faire fermer une usine. Le poison du relativisme était en moi.
J’ai entendu M. Wallendorff nous crier « Criminels ! » ou « Assassins ! » lors du passage de notre défilé dans les rues de Saint-Germain-en-Laye. Le pervers (du latin pervetere : retourner, renverser) des Yvelines est le même que celui des Ardennes. On reconnaît le pervers à sa propension à faire de la victime le coupable, à sa pratique courante du retournement accusatoire. Et à sa lâcheté. Il est celui qui largue un pet juste au moment où il sort de l’ascenseur laissant ceux qui continuent leur montée ou leur descente se suspecter d’être l’auteur de cette ordure et se regarder avec méfiance et dégoût. Il est celui qui attend d’avoir atteint les dernières marches de l’escalier de la Mairie où il va s’engouffrer sans attendre de réaction pour lancer du bout de ses lèvres pincées et arrogantes son fossoyeur de l’emploi à ceux qui essayent quelques mètres plus bas d’informer sur le travail de démolition auquel participe celui qui remue là-haut sa langue de vipère. Il est celui qui agresse verbalement une jeune femme tractant sur le marché de Saint-Germain-en-Laye, la menaçant d’un procès, et qui accélère sa fuite alors que je lui crie en le poursuivant, les poings serrés, prêt à l’en frapper : « Viens là ! On va rendre tout de suite le verdict ! ».
Je me permettrai un raccourci, on va faire un grand saut historique, mais qui n’a que la couleur de l’Histoire, le mauvais arrière-goût de l’Histoire car c’est en fait l’histoire arrêtée celle qui se reproduit à l’infini ici ou ailleurs, maintenant ou hier dont il s’agit. Combien de bourgeois de Saint-Germain en-Laye ou de M. Péricard, maire de cette ville qui nous pourchassa de ses mesquineries digne des insultes de ses aisés administrés, combien de M. Wallendorff sévissent depuis plus de deux siècles, de Los Angeles à Moscou en passant par Givet ou Saint-Germain-en-Laye ? Ils sont pléthore, ils sont partout. Ils se démasquent quand on leur donne le droit d’humilier en bon adepte du sadisme. Tous ceux-là, et les Trudeau, Macron et consorts, Van der Leyen ont Adolphe Thiers pour modèle, sans avoir besoin de le connaître. Ils sont des Versaillais, traîtres à leur Nation, traître à l’humanité, chez qui l’intelligence n’a trouvé que la perfidie pour s’exprimer. Adolphe Thiers dont on fit le premier président de la IIIe République et qui parvient à faire en sorte que les 20 000 personnes qu’il assassina pendant la Semaine sanglante du 21 au 29 mai 1871 fussent oubliés par cette même République – République sanglante ! – alors qu’on ne se gêne pas pour reprocher aux Communards d’avoir fait exécuter, au pire, une centaine d’otages. Rien de nouveau sous le soleil ! Mais me voilà pourtant toujours et encore indigné…
Celui qui occupe le Palais de l’Élysée aujourd’hui n’est qu’un pervers atrophié par rapport à son prédécesseur de 1871 car il ne craint même plus que ses « vices privés » soient dévoilés. Il tend même à vouloir les afficher. Ces « vices pruvés qui font la vertu publique ». Cette essence, ce logiciel caché du capitalisme que Bernard de Mandeville dévoile dans Recherches sur l’origine de la vertu morale publié en 1714, en complément de sa Fable des abeilles et que Danny Robert-Dufour résume ainsi sur la quatrième de couverture de son ouvrage Baise ton prochain, une histoire souterraine du capitalisme.
« Fini l’amour du prochain ! Il faut confier le destin du monde aux “pires d’entre les hommes” (les pervers), ceux qui «veulent toujours plus», quels que soient les moyens à employer. Eux seuls sauront faire en sorte que la richesse s’accroisse et «ruisselle» ensuite sur le reste des hommes. Et c’est là le véritable plan de Dieu dont il résultera un quasi-paradis sur terre. Pour ce faire, Mandeville a élaboré un art de gouverner – flatter les uns, stigmatiser les autres – qui se révélera bien plus retors et plus efficace que celui de Machiavel, parce que fondé sur l’instauration d’un nouveau régime, la libération des pulsions. On comprend pourquoi Mandeville fut de son vivant surnommé «Man Devil» (l’homme du Diable) et pourquoi son paradis ressemble à l’enfer. »
Et dans son introduction, Robert-Dufour précise : « Avant d’être proscrit et de sombrer dans l’oubli, ce petit texte n’avait pas échappé à Voltaire qui y avait fait de larges emprunts dans les chapitres VIII et IX de son Traité de métaphysique de 1734, sans toutefois mentionner le nom de Mandeville et en en affadissant beaucoup les thèses originales. Or, celles-ci étaient tellement sulfureuses qu’elles finirent, dès la seconde édition de 1723, au bûcher – il faut dire que Mandeville avait encore aggravé son cas avec un texte recommandant la fermeture des “Écoles de charité”. Ses écrits furent considérés comme pernicieux et diaboliques, et condamnés par le “Grand Jury du Middlesex” en 1723, puis, après leur traduction en français en 1740, mis à l’index et brûlés à Paris par le bourreau en 1745. Pour couronner le tout, son nom, Mandeville, fut transformé en Man Devil, l’homme du Diable. Ce fut le plus grand scandale philosophique de l’Europe des Lumières.
Il en résulta un refoulement hors de la pensée légitime des œuvres de Mandeville. Un refoulement radical procédant d’une volatilisation physique atteinte dès Fahrenheit 451 quand le papier s’enflamme et que l’autodafé fait disparaître toute trace du texte qu’il portait. »
Petite parenthèse : on comprend mieux pourquoi le XIXe siècle et la République ont fait de Voltaire leur modèle et caricaturé Rousseau.
Le refoulement n’a eu lieu que dans les œuvres de Mandeville. Déjà au XIXe siècle, le vernis bourgeois qui dissimule les vices privés dut subir l’acide de Balzac. Georg Lukacs résume très bien dans Balzac ou le réalisme français le travail de l’écrivain :« Balzac ne fait qu’exprimer ce qui est muet et qui lutte dans le silence ». Si j’avais moins d’ego, si je n’avais plus aucun espoir, si je n’avais pas manifesté dans les rues de Saint-Germain-en-Laye, si mon père ne s’était pas fait traiter de fossoyeur de l’emploi alors je n’hésiterais pas à céder à la tentation de me réfugier chez Balzac. L’homme et l’écrivain me sont si sympathiques. Mais, mon espoir a changé de forme. Grâce à Balzac. Je peux lire aujourd’hui sans réticence le début d’Illusions perdues où Balzac montre un illettré devenu imprimeur et où il qualifie la Révolution de « désastreuse époque » parce que je ne crois plus que le capitalisme est l’enfer obligatoire par lequel il faut passer pour qu’advienne le paradis communiste. C’est juste un enfer qui peut mener à tout ou à rien. Et nous sommes dans le rien, toujours englué dans cette « désastreuse époque » qui n’en finit pas où les illettrés sont toujours ceux qui font tourner les rotatives qui s’appellent Presse mais surtout Télévision ou plus généralement Média. Nous ne sommes pas, que nous soyons puissants ou misérables, les jouets de l’histoire. On cherche à nous empêtrer dans le présent depuis plus de deux siècles. Et c’est ceux-là mêmes, leurs avatars dégénérés contemporains qui ont triomphé grâce à l’Histoire qui la cache sous le paillasson du présent. Les médias ne leur servent qu’à ça, c’est-à-dire à nous emprisonner dans un quotidien perpétuel chaque jour recommencé.
Il n’y a plus d’Histoire comme il n’y a plus non plus de Dieu qui « se rit des prières qu’on lui fait pour détourner les malheurs publics, quand on ne s’oppose pas à ce qui se fait pour les attirer. Que dis-je ? Quand on l’approuve et qu’on y souscrit, quoique ce soit avec répugnance. » (Bossuet). Et même s’il y en avait un Dieu, cela changerait-il quoi que ce soit ? Il faut croire que les hommes du passé n’y croyaient pas déjà beaucoup pour qu’Il se contentât de rire, pour qu’on Lui réservât ainsi l’infime pouvoir que procure l’ironie. Alors que dire des êtres humains d’aujourd’hui qui savent que Dieu est mort, et même pour la plupart qui ne savent pas qu’il existât un Dieu à une autre époque que la nôtre (comment ça une autre époque ?) et qui avec Lui ont enterré leur avenir (comment ça l’avenir ? C’est juste bon à faire des films de science-fiction, l’avenir. Pour nous divertir.) ? Sans téléologie qu’elle se nomme Dieu ou Histoire, nous ne sommes que des destructeurs car nous ne pouvons construire sans but. Le bourgeois est le fossoyeur et après avoir enterré Dieu, il tente d’étouffer l’Histoire en se réjouissant de son sale manège, en bon pervers, alors qu’il scie non seulement la branche sur laquelle il est assis mais aussi ses propres jambes qui pendouillent dans le vide. Après moi, le déluge, s’écrie-t-il. Et, il croit pouvoir dissimuler sa sale gueule de croque-mort derrière son cynique retournement accusatoire : Fossoyeur de l’emploi.
1 Cette pièce était le lieu des solennités entre mon père et ma mère, il fallait croire, car seul mon père y mangeait et seulement quand il rentrait de l’usine après 22 heures, une soupe le plus souvent ; nous n’y mangions en famille – j’ai deux frères plus jeunes – que très rarement. Je me souviens surtout d’un fois, et c’était le 10 mai 1981, soirée mémorable que je relate ici.
2 L’obscène, Travail social et transparences, Présentation : comme un oiseau de mauvais augures…, Philippe Renonçay, Le Sociographe 2020/1 (N° 69). Philippe Renoncay cite Jean-Toussaint Desanti