16 décembre 2023

Introduction

Par Philippe

J’écrirai ici mes pensées sans ordre, et non pas peut-être dans une confusion sans dessein.
Blaise Pascal

Retour vers le futur. C’est le voyage auquel je vous invite à partir d’aujourd’hui. Je vous propose de me nommer commandant de bord même si je n’ai aucun brevet de pilotage. Nous ne naviguerons pas à vue mais sous les auspices des penseurs, des écrivains, des poètes. Mes rencontres avec les uns et les autres dans les livres ou dans cette autre fiction que l’on nomme réalité me serviront de boussole et d’horizon. J’y mêlerai récit, essai, analyse, histoire, littérature et témoignage personnel. Rien que ça !

Quelqu’un m’a dit récemment – s’il me lit, il se reconnaîtra – que ma destinée sur terre était de créer du lien entre les individus. Ah ! Si je l’avais rencontré avant, j’aurais appris à faire des nœuds pour mieux les défaire et j’aurais peut-être été capable de démêler ce fatras qui me fait office de pensée plutôt que de vous livrer ce nids de serpents venimeux. Vous verrez que la métaphore n’est pas usurpée car ça va mordre ! Du moins, je l’espère ! Mon esprit confus n’est peut-être que le fruit d’une époque confuse où il est difficile de reconnaître les siens. Cependant j’ai des convictions même si j’ai peu d’assurance. Ai-je connu beaucoup de victoires ? Je n’en suis pas sûr.

Créer du lien, c’est une tâche qui me plaît, et il est vrai que tout au long de ma vie, j’ai souvent cherché à fabriquer des appareillages qui pouvaient paraître incongrus, réunis des personnes qui, a priori, ne pouvaient pas trouver un terrain d’entente, essayé de réconcilier l’irréconciliable.

Pourtant tout avait mal commencé pour moi. J’étais en guerre contre le monde dès mon plus jeune âge. C’est le monde qui avait commencé : je l’ai senti hostile dès ma plus petite enfance. C’est ainsi quand on naît dans l’Histoire, dans la lutte des classes, du mauvais côté du manche. Quand je regarde les deux siècles qui viennent de passer, je suis convaincu comme Jean Giraudoux que « la paix est l’intervalle entre deux guerres ». Et les guerres étant multiformes – guerre militaire, guerre civile, guerre de religion, guerre de classe, guerre de race, guerre politique, guerre économique (industrielle et financière), guerre énergétique, guerre écologique, guerre de génération, guerre dans le genre, guerre de tous contre tous –, il semblerait qu’elles soient sans fin, sans intervalle de paix, et que ces deux siècles qui ont fini par sacré Roi le Marchand aient réfuté les théories de Montesquieu : « L’effet naturel du commerce est de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si l’une a intérêt d’acheter, l’autre a intérêt de vendre ; et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels. ».

Je vois commerce partout, marchandise et marchands partout, l’État et ses fondés de pouvoir du Capital partout, l’argent partout et je ne vois que guerre partout. Un monde qui vit de la guerre se nourrit de la mort.

La mort est la frousse ultime. L’individu se sent seul face à elle et il n’y a pas angoisse plus vertigineuse que la solitude. Car l’être humain est un être social, politique. L’ermite n’est pas né ermite. La guerre est un remède contre cette angoisse. Il doit être rassurant de ne pas mourir seul. Comment expliquer sinon que des hommes acceptent d’aller à la guerre ou ces suicides collectifs – directs ou indirects – que peuvent pratiquer des adeptes de sectes ? Ou bien encore que l’on accepte de se faire injecter des produits expérimentaux ? C’est ça ou un nouveau confinement où le risque de crever seul est grand, a-t-on convaincu un très grand nombre. Puisqu’il faut mourir, si l’occasion se présente, autant ne pas mourir seul. Ne pas mourir seul, c’est croire que l’on peut oublier la mort, c’est vouloir l’ignorer. C’est ne plus y penser, c’est ne pas savoir mourir et donc ne pas savoir vivre, c’est oublier qu’on est vivant. « La préméditation de la mort est préméditation de la liberté… Le savoir mourir nous affranchit de toute subjection et contrainte. » Montaigne.

J’ai toujours été en quête de compagnons de combat avec lesquels je pourrais enfin reconnaître ma défaite, notre défaite, et faire la paix, vivre en paix. La communion, oui, c’est ce que je recherche mais sans sacrement. Même au sein d’un groupe, je veux rencontrer des individus, un individu après l’autre, non pas pour qu’il se sente seul mais pour dialoguer. « Le dialogue paraît en lui-même constituer une renonciation à l’agressivité. » (Jacques Lacan). Dialoguer, rien que dialoguer, c’est poser les armes. J’ai toujours eu la prétention de le voir vivant celui qui me fait face et non comme un mort en sursis. Qu’importe d’où tu viens, quel uniforme tu portes, dans quelle guerre tu es engagé volontairement ou malgré toi, je veux te voir nu et libre comme le ver que tu es, que je suis. Il n’y a rien de méprisant dans mes propos. « Il est permis de douter qu’il y ait beaucoup d’autres animaux qui aient joué dans l’histoire du globe un rôle aussi important que ces créatures d’une organisation si inférieure. » (Charles Darwin). Le sol qui grouille de vers est un sol riche.

Je commencerai donc par donner l’exemple et me mettrai à nu ici. Je le ferai en confiance, je sais que je ne monte pas au front le poitrail offert à la mitraille. Du moins, je l’espère. Et puis tant pis !

Retour vers le futur (épisode 19). Tout le monde aura compris à quoi je fais allusion. Je reviendrai sur les dix-huit épisodes qui ont précédé, sur les prequels de la série et je tenterai de spoiler – étonnant anagramme de spolier, – de divulgâcher – comme disent les québécois -, effrontément la suite, même si je compte bien ne rien gâcher. J’ai de grandes ambitions.


Image tirée du film soviétique Requiem pour un massacre d’Elem Klimov, 1985

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